lundi 29 octobre 2012

Au congrès de Toulouse, le PS fait sa crise des responsabilités



   Ce week-end du 27 Octobre, le parti socialiste se réunissait à Toulouse pour un congrès, l'occasion pour une majorité en difficulté de sonder l’unité affichée pendant la campagne présidentielle qui a mené la victoire du candidat Hollande.
Entre un gouvernement ne faisant pas l’unanimité par ses directions et ses méthodes, une première secrétaire en grâce pour sa sortie, son successeur débarqué par les cadres du parti et une aile gauche remontée, le parti majoritaire à l’assemblée retombe dans ses travers post victorieux.

   Comme en 1983 avec le tournant de la rigueur pris par le gouvernement de François Mitterrand, Mr Hollande se retrouve face à la nécessité de sauver un système auquel il s’opposait pendant sa campagne, mais dans lequel il se trouve pris au piège par la demande de ses électeurs.
L’enthousiasme suscité par Emmanuel Maurel, nouveau chef de file de l’aile gauche du parti, s’évertuant à réveiller les convictions du parti suite aux propos de Jean-Pierre Jouillet qualifiant de « canards boiteux » les entreprises en difficulté, est symptomatique de l’inéquation entre ambition réformatrice socialiste et réalité gouvernementale.
Le passage en quelques mois du discours du Bourget où Mr Hollande clamait que son principal ennemie était la finance, à la défense  d’un traité européen mettant pieds et mains liés les politiques européennes sous le credo libéral avec une légère touche de croissance, sème le doute dans l’horizon socialiste.

Ce n’est personne d’autre que Martine Aubry qui va réussir à dynamiser et mobiliser une assemblée militante partagée. Mais l’ex première secrétaire s’écarte temporairement du paysage politique, pour prendre du recul ou bien se faire désirer pour de nouvelles responsabilités plus en adéquations avec ses attentes.
Le parti socialiste se retrouve donc à regretter la maire de Lille et la pression monte sur les épaules d’un Harlem Désir davantage reconnu pour sa langue de bois que par sa capacité mobilisatrice.
Le nouveau parti majoritaire doit donc faire ce qu’il peut avec ce qu’il a, c’est aussi vrai en matière de réformes. L’ambition du parti socialiste, est, depuis sa première accession au pouvoir en 1981, de mener à bien des réformes progressistes sociétales comme actuellement l’acquisition du droit de vote des étrangers, le mariage homosexuel ou le non cumul des mandats, plutôt que de réformer en profondeur le système économique.

La volonté du PS de se montrer compétent pour pérenniser le système conduit le gouvernement a irrémédiablement tourner le dos a ses valeurs fondatrices. Dés lors le parti socialiste se retrouve dans un dilemme familier, assumer les contraintes de la gouvernance ou se poser en éternel parti d'opposition « du côté de ceux qui n’ont rien » comme le remarquait Mr Maurel.

Lutter contre les inégalités économiques est un risque facteur de dommages collatéraux pour l’ensemble de la société, et un parti en quête de réélection et de pouvoir ne semble pas déterminer à prendre cette direction.
Reste au parti le combat des idées, face à la radicalisation grandissante de la droite, l’ex président d’SOS racisme a fort à faire pour éviter le basculement des votes populaires sous la coupole du FN.
  

mercredi 10 octobre 2012

Difficile dépersonnalisation du pouvoir au pays des rois


   Après les évictions de Papandréou en Grèce ou Berlusconi en Italie, la France fut le 13ème pays européen à changer de chef d’état dans les urnes depuis la crise.
    Les périodes de crise donnent toujours lieu à une remise en question identitaire, une profonde perte de repères touche l’occident et particulièrement la France, tiraillée entre sa représentation traditionnelle de la politique et le consensus auquel elle se conforme peu à peu.Le peuple français a dérogé à son anormalité en ne consacrant pas un leader providentiel plein d’idéaux, mais son anti-héros. L’image renvoyée par le comportement du chef de l’Etat influençant celle de la politique auprès de la population, l’attente est de taille.   Le représentant choisi ne semble pas embrasser le pouvoir mais s’en détacher, François Hollande a ainsi déclaré dans son discours d’investiture « L’état est la propriété de tous les français », une déclaration qui rompt avec le regard porté sur la présidence ces derniers temps.


Un complexe de supériorité et d’anormalité si français

   François hollande peut affirmer être un président normal, il préside un pays qui se refuse obstinément d’être ordinaire. Aux yeux de la presse étrangère, seul un président français peut oser prétendre « aider les africains » comme a pu le faire Sarkozy,  ou bien déclarer que « la France ne saurait être la France sans la grandeur. » comme De Gaulle en d’autres temps.
La France ne représente pourtant que 1% de la population mondiale sur 1% des terres émergées, mais elle persiste à se voir comme le phare de l’humanité malgré sa crise identitaire. A l’instar de la Chine, la prétention de sa culture n’a pas d’égal, ce complexe de supériorité est profondément ancré dans l’histoire française depuis la révolution française.

   Depuis la 5ème république, l’image du président élu correspondait à cette représentation inconsciente du leader à la hauteur de « l’exception française.»
La France a beau posséder une bureaucratie complexe comme la plupart des puissances européennes, son représentant élu est fortement rattaché à l’exercice du pouvoir, il le représente et l’incarne.
   Les valeurs dont la France se réclame originaire sont désormais communes à la majorité des démocraties représentatives et ses lumières semblent éteintes au regard de sa politique en matière d’immigration où l’état de ses prisons.
   Même si le reste du monde attend de la France davantage d’humilité et de modernisme, son influence n’est pas pour autant neutre comme l’intervention en Libye ou le relatif rayonnement de la culture française en témoignent.

   Le changement de ton du nouveau président dont la recherche du compromis est privilégiée à celle de la mesure prétendument révolutionnaire n’efface pas pour autant les vieux réflexes français. Ainsi celui-ci n’a pas manqué de rappeler que la France était à l‘origine de la déclaration universelle des droits de l’Homme dans son discours d’investiture et n’était, en un sens, pas exactement comme les autres. Ce sentiment de supériorité paraît davantage masquée que balayée.
  
 L’attente d’un leader providentiel

   La France est hantée par le mythe de l’émergence d’une personnalité providentielle qui sauvera la nation du déclin, un article du Daily Telegraph dessine bien les contours de cette norme dans l’histoire politique française. Le quotidien s’alarme de voir un président si éloigné de la figure traditionnelle du pays, la vie politique française étant menée au rythme des reprises en main par des personnages charismatiques ; que ce soit Napoléon après le désordre post révolutionnaire ou De Gaulle après la défaite de 1940.
   Le déclin de l’occident et la crise du système économique accompagne une déstabilisation des repères politiques et une perte de confiance dans l’avenir. Ce phénomène engendre une demande de leaders charismatiques capables de prendre des décisions rapides et radicales alors que notre système empêche structurellement un tel processus.

   La France possède un régime politique unique qualifié de semi-présidentiel, c’est à dire un régime parlementaire muni d’un chef d’Etat aux pouvoirs étendus. Il n’y a qu’en France qu’on réserve autant de privilèges à un chef d’Etat élu, non pas financiers, mais davantage institutionnels. Aux Etats-Unis, imaginer qu’un ancien président puisse siéger à la plus haute cour de justice du pays paraît invraisemblable, voir Georges Bush et Bill Clinton juger de la bonne application de la constitution fait sourire. Pourtant en France, depuis le cadeau du Général De Gaulle au président Coty pour lui avoir laissé le pouvoir en 1958, chaque ancien président siège à vie au Conseil Constitutionnel, balayant toute impartialité.

   La récente campagne présidentielle a été marquée par l’exaltation du chef d’état dans le rôle du capitaine de navire faite par Sarkozy, image reconduite sur son affiche officielle. On pouvait presque penser que le monde s’arrêterait de tourner sans le président sortant, qu’il était le seul remède face à la crise mondiale, qu’importent les agents de l’administration et le reste du monde.
   Pourtant, le chef d’Etat qui semble le mieux correspondre à ce fantasme n’est autre que Vladimir Poutine, figure virile autant craint qu’admiré capable de porter la responsabilité d’un pays dont le peuple s’est déchargé. Cependant, l’émergence d’un tel individu en France est illusoire tant le pouvoir est contrôlé.

   Ce fut la principale inquiétude des français durant la campagne de François Hollande, sa capacité à assumer ses responsabilités, doutant même de son courage de participer à un débat télévisé.

Le choix du compromis, la méthode Hollande

   C’est pourtant le président qui se proclamait normal qui a été élu. Si son ascension a été favorisé par le bilan et les dérives de l’ère Sarkozy et le profond rejet de sa politique, le concept de normalité a séduit.
   Ce qui est apparu au premier abord comme une bourde de campagne s’est avéré un argument de poids, la normalité au sens de sobriété et de pragmatisme a rassuré une partie de l’électorat désorienté par l’agitation de son prédécesseur. La recherche de stabilité et de cohérence en temps de crise a fait pencher la balance du côté d’Hollande auprès des déçus des folles promesses.
   En mettant l’accent sur la nécessité d’une hauteur de vue de la présidence durant son débat face à Nicolas Sarkozy, celui-ci a dérogé aux campagnes précédentes où l’on votait pour une dynamique et un projet, c’est un vote de réconciliation avec la politique qui a consacré sa victoire.

   Raillé de tous au départ, il a, sans y toucher, éliminé tous ces adversaires pour accéder au pouvoir. Son ascension reflète sa vision de la politique, la recherche du compromis, de l’arrangement pour mettre tout le monde d’accord sur une évidence.
Son début de quinquennat suit cette logique, pas de cadeaux sociaux Mitterrandiens, un gouvernement sobre tentant d’afficher la discipline budgétaire comme un bien fait, bien fait dicté par la tutelle des marchés financiers sur la zone euro qui oblige le président, s’il veut sauvegarder temporairement la monnaie commune, à un compromis qui ne satisfait ni son électorat ni une partie de ses députés.

   Les fabrications de rêves politiques ont lassé un électorat de plus en plus désabusé, où le décalage entre discours et action prend tout son sens en période d’urgence. Le fameux « travailler plus pour gagner plus » quand le chômage gagne chaque mois du terrain ne fait plus rêver.
Au vue des excès et des scandales du pouvoir, un détachement de la personnalité du pouvoir fut bien accueilli, la question est de savoir si cette normalité n’est pas un leurre d’un retour à la tradition pré-sarkozienne ou bien une anomalie sous la 5ème république.
La généralisation d’intervention télévisée, même en se déplaçant sur un studio, risque de se payer cher au près de l’opinion.

Entre désenchantement politique et conformisme

   Le peuple n’est ainsi pas bercé d’illusions et de rêves, il tiendra à l’œil le nouveau président qui s’emploie à donner sens à son concept de normalité comme le prouve sa venue sur un plateau télé ou sa photographie officielle faite par Raymond Depardon. La campagne agressive et grave de 2012 contraste avec celle de 2007 où un réel élan autour du travail accompagnait l’élection de Sarkozy, les vieilles recettes politiques semblent se périmer en temps de crise, place à l’éclipse de l’enchantement politique.

   L’enthousiasme mesuré qui a accompagné l’élection se retrouve dans la Une de « Libération » journal de Gauche se contentant de commenter la victoire d’Hollande de « Normal ! ». Si les français se sont  plutôt réjouis de la fin d’un gouvernement marqué par les scandales, la gauche n’a été consacré que par son candidat le plus éloigné de la ligne traditionnelle socialiste, loin de l’aile Gauche du parti.
  
   La vie politique française est victime de son paradoxe, prétendre concilier chef d’état fort et démocratie représentative tend inexorablement à pencher vers l’un de deux côtés.
   Le discours d’Hollande semble se conformer au modèle social démocrate d’Europe du Nord qui tend à se généraliser à l’ensemble du continent ; ainsi une gauche ayant cédée à l’économie de marché s’oppose à une droite austère. Une politique de synthèse éloignée des idéaux.

   Face aux effrayants chiffres du chômage et l’absence de perspectives de renouveau économique, le président attaché au compromis chute dans les sondages. Les critiques pleuvent de la part d’une droite cynique et d’une gauche déçue. La tendance à la radicalisation des discours risque de mettre en péril la volonté affichée au lendemain de la présidentielle.
   L’attitude endolorie du gouvernement, faute de créer une dynamique, risque de réveiller le caractère absolu de l’opinion publique et compromettre l’autorité présidentielle, juste au moment où Mr Hollande en aurait le plus besoin face aux drastiques mesures qui s'annoncent. Plus que jamais, la dépersonnalisation du pouvoir s’avère difficile.


jeudi 15 mars 2012

Censure de la pénalisation des génocides: double peine pour la démagogie



Au lendemain de la décision rendue par le conseil constitutionnel le 28 Février dernier, censurant le texte voté par le parlement instaurant une peine d’un an d’emprisonnement et 45 000 euros contre quiconque contesterait ou minimiserait le génocide Arménien, le président a accusé une double désillusion : le rejet de sa politique en matière de loi mémorielle et un coup d’arrêt dans son entreprise électorale.
A sur jouer la carte de l’émotion outrancière, N.Sarkozy s’est fait prendre à son propre jeu en s’attirant les foudres de la communauté historienne, juridique et internationale.
Le Conseil Constitutionnel a donc mis fin à près de deux mois de vives tensions entre la France et la Turquie autour d’un débat qui n’en était pas un.

L’opportunisme d’une apparente noble intention

 

   A priori, vouloir sanctionner les propos négationnistes d’une tragédie n’a rien de révoltant. Pourtant, celle loi votée par une cinquantaine de députés sur 377, de droite comme de gauche, suscite réticences et interrogations dans la sphère internationale et au sein même de la communauté arménienne.
Parler de noble intention maladroite serait naïf sans constater la proximité de l’échéance de l’élection présidentielle où se présenter en défenseur des valeurs humanistes est l’occasion d’afficher une image positive universelle.

   Émouvoir à tout prix l’électorat est une spécialité du quinquennat de N.Sarkozy, ainsi nous sommes régulièrement gratifiés de ses larmoyants discours sur toute les injustices de cette Terre. Chacune de ces interventions donne lieu à son lot de compassion et de souffrance, que ce soit  une perte d’un soldat français en Afghanistan ou un sordide fait divers. Le 11 Novembre 2011 par exemple, le président a rebaptisé le « jour de commémoration de la victoire et de la paix » en « cérémonie nationale d’hommage aux soldats morts pour la France » avant l’adaptation de l’appellation par le parlement, imposant son interprétation de l’Histoire.
   Le phénomène va jusqu’à envahir les salles de classe, les programmes scolaires, dictés par le ministère de l’éducation, insistent davantage sur le traumatisme des guerres plutôt que sur leurs faits générateurs, sur les dramatiques pertes humaines plutôt que sur les fondements idéologiques responsables.

 

   Les politiques français ont bon œil de prendre à cœur le génocide arménien alors que d’autres génocides tout aussi dramatiques n’ont pas eu le même écho, en particulier le génocide du Rwanda où la France s’est toujours montrée discrète. Le demi million d’électeurs potentiels d’origine arménienne et l’absence totale de lien avec la France doit peser dans la balance.

Quand il s’agit de sa propre Histoire, le législateur ne trouve rien de mieux que de consacrer les bienfaits de la colonisation dans la loi du 23 février 2005.

  

Une défaite de la volonté de comprendre

 

   Mais l’Histoire est à la France ce que le Droit est aux Etats-Unis et ce que l’Economie est au Royaume-Uni, une spécialité intellectuelle auto proclamée.
La communauté historienne, qui s’était élevée en 2005 contre le principe même des lois mémorielles à travers la pétition du 12 décembre de la même année, dénonçant de surcroît la loi Gayssot de 1990 instaurant une première fois une peine contre la négation de la shoa, s’est de nouveau manifestée début 2012.

   Pierre Assouline, dans « L’Histoire », met en garde les politiques contre le danger de l’officialisation d’un événement historique et n’hésite pas à parler d’une « soviétisation » de l’histoire. Si le négationnisme est en tout point scandaleux, le révisionnisme, interdit de fait par cette loi, est inhérent au travail d’un historien et à  l’objective interprétation des faits.
Cette contrainte est une atteinte à la liberté de recherche comme le souligne les requérants du Conseil Constitutionnel, celui-ci préférant retenir une atteinte à la liberté d’expression.

   Cette loi est perçue, par les historiens, comme un aveu d’échec des politiques de réussir à animer un vrai débat sur la question et à monopoliser les forces scientifiques internationales pour déboucher sur une conclusion commune. Un journaliste turc fait référence à l’ignorance des politiques quant aux faits réels, notamment une intervention du président Sarkozy indiquant le mauvais lieu des massacres orchestrés en 1915.
Il est plus facile de répondre à un sujet délicat, qui suscite encore des débats au sein de la doctrine quant à la qualification de génocide, en réprimant sa négation plutôt qu’en persuadant le pays fautif par la réalité des faits et la gravité de sa non reconnaissance. 

Une crise diplomatique sur fond d’ingérence juridique

 

      Le délit de blasphème a été supprimé par les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme, il n'y a donc plus de vérité officielle sauf celle que la communauté internationale veut bien consentir.

Seule la communauté internationale a la compétence de qualifier un événement de génocide et de surcroît de pénaliser sa négation ou sa minimisation. Le législateur français a outrepassé ses pouvoirs en prenant les devants alors que le génocide arménien ne fait l’objet d’aucune sanction pénale de la part de la Cour pénale internationale.

 

   L’intervention française dans la mémoire turque n’a fais que raviver une tension tenace entre les deux puissances. L’ardente opposition de la France à l’entrée de la Turquie au sein de l’UE divisait les deux nations, mais quand le législateur français se donne le droit d’écrire l’histoire à la place d’une Turquie nationaliste, place à la crise diplomatique.

Sur fond d’atteinte à la nation, le premier ministre turc Erdogan a rappelé son ambassadeur de France et a annulé tous les rendez-vous politiques ou économiques prévus cette année, ainsi qu’en menaçant de représailles économiques.


    La presse turque s’est déchaînée à l’encontre du président et des députés français ; le populiste premier ministre Erdogan a diabolisé l’initiative française et a renvoyé la France à l’étude de sa propre histoire en s’entêtant dans son négationnisme. Vue de Turquie, le législateur français n’a pas à parler au nom de tous en son nom. Le terme de « minimisation » et sa mise en œuvre sont sujets à débat, par exemple à partir de combien de morts la peine peut elle s’appliquer.

   La communauté juridique française dénonce également l’absurdité d’une telle loi et préfère distinguer deux sortes de loi mémorielle. Est considéré comme un abus de pouvoir le fait de punir une vision différente de la version officielle, et comme un devoir de mémoire le simple fait de reconnaître les crimes reconnus par la communauté internationale et par son propre pays.

 

   La décision des «sages» du Conseil Constitutionnel a été reconnu unanimement par la communauté turque et a mis fin à ce dialogue de sourd entre arrogance française et nationalisme turc.


 Un travail de mémoire retardé et des retombées électorales plombées

   Le statu quo est maintenu dans la société turque, pire, cet événement a donné lieu à une recrue d’essence des branches radicales.
Un journaliste turc témoigne du travail de mémoire qu’est en train d’effectuer la Turquie quand à la reconnaissance de sa responsabilité dans le génocide arménien. Un travail de mémoire qui ne vient non pas du gouvernement conservateur, mais de la société civile, qui, depuis une dizaine d’année est le témoin de l’émergence de voix appelant à cette reconnaissance.
   Or cette crise diplomatique, cette atteinte à la fierté turque n’a fait que radicaliser un peu plus les réfractaires, l’élan est donc fortement retardé devant le renfermement turc.

   Le premier ministre Erdogan avait dénoncé la responsabilité de la France dans la guerre d’Algérie, jusqu’à qualifier de génocide les « abus » que veut bien reconnaître le gouvernement français.
Si parler de génocide pour cette guerre relève de l’absurdité si on se réfère au vrai sens du terme, le président français s’est retrouvé face à une de ses promesses de campagnes de 2007 d’engager la responsabilité de la France dans le massacre des harkis.
 Le travail de mémoire de la France sur l’Algérie n’est pas plus avancé, après avoir mis tant de temps à parler de guerre au lieu d’évènements d’Algérie, combien de milliers d’années encore faudra-t-il au gouvernement pour engager la responsabilité de la France dans les milliers de morts de l’intervention française incapable de lâcher son orgueil et sa souveraineté devant le désir légitime d’indépendance d’un peuple injustement colonisé ? La France a accepté la contrainte dit-il, mais dans le sang, alors que d’autre nations européennes n’ont pas eu recours à tant «d’ abus».
   
    Les retombées électorales espérées d’une telle loi porteuse des idées des Lumières se sont envolées pour le président-candidat. Car ce n’est pas la première fois que les politiques se servent des lois mémorielles à des fins électoralistes. Il est intéressant de remarquer que chaque initiative en matière de reconnaissance du génocide arménien est à l’aube d’une échéance électorale, ainsi La tragédie arménienne a officiellement été reconnue comme un génocide par le droit français en décembre 2001, juste avant les élections présidentielle et parlementaire. Un projet de loi similaire avait été présenté à l'Assemblée en 2006 (mais rejeté par le Sénat) à l'approche des élections de 2007 alors que l’élection de 2012 approche à grands pas.



http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/02/28/le-conseil-constitutionnel-censure-la-loi-sur-le-genocide-armenien_1649496_1471069.html
http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/laurence-neuer/loi-penalisant-la-negation-du-genocide-armenien-le-debat-oppose-aussi-les-juristes-09-02-2012-1429120_56.php
http://www.courrierinternational.com/article/2012/01/20/compter-les-cadavres-d-hier-pour-engranger-des-votes-demain
http://www.france24.com/fr/20111222-penalisation-genocide-armenien-demagogie-electoraliste-avancee-droits-homme-turquie

mercredi 29 février 2012

La déprime politique du monopole PS-UMP


En ces temps de campagne présidentielle, la bénédiction des maires devient une denrée rare pour certains candidats, nombreux sont ceux qui ont du renoncer à leur conquête. Après les désistements de Christine Boutin, Hervé Morin ou Frédéric Nihous, Philippe Poutou, le représentant du NPA, lance un appel aux maires hésitants d’oser faire leur choix.
Le cadre institutionnel actuel est l’exclusivité des deux grands mouvements politiques du pays, or de plus en plus d’électeurs ne semblent plus se reconnaître dans cette logique PS-UMP.

La main mise des partis sur l'ordonnancement politique

Il est difficile de faire entendre sa voix dans les médias, mais son écho est quasiment inexistant sur le plan institutionnel.
A l’Assemblée nationale, seules quatre formations politiques sont représentées, et parmi elles seuls l’UMP et le PS dépassent les 30 sièges. Est exigé pour saisir le Conseil constitutionnel 60 députés ou 60 sénateurs, autant dire qu’il ne reste que deux formations politiques actives dans l’hémicycle.
Avec le scrutin uninominal majoritaire à deux tours utilisé pour l’élection des députés, le président qui s’assure la majorité à l’Assemblée n’a quasiment plus de contre pouvoir.

Ce bipartisme est censé assurer un équilibre entre majorité et opposition, or ces grands partis ont le monopole du débat politique. Leur puissance médiatique, leur représentation institutionnelle et leur poids idéologique sur les citoyens sont garants de leur légitimité à gouverner. 

Dans la course à l’Élysée, les grands partis possèdent un avantage de taille face aux petits candidats. Ils disposent de moyens financiers et humains suffisant pour soutenir le rythme de la campagne et être sur tous les fronts, cette structure est indispensable.
Ces machines électorales fondent sur les petits candidats, qui faute de pouvoir tenir la distance, se rallient aux partis favoris comme Hervé Morin l'a fait dernièrement en se rangeant derrière Nicolas Sarkozy.
Pour concrétiser leur domination, les partis majoritaires n’hésitent pas à menacer les maires pour s’assurer leur consentement.

Un aveu d’impuissance

La course aux parrainages est le témoin de pressions des favoris sur les maires pour sortir de la course les plus petits candidats en les menaçant notamment de ne plus leur donner de subventions. Olivier Besancenot tempère cette pratique en affirmant qu’aucun maire n’ayant donné sa signature à la LCR n’a été privé des dites subventions lors de la campagne de 2007.
Si vouloir faire sortir Marine Le pen de la course ne serait que plus bénéfique d’un point de vue moral, cette pratique pose un souci au niveau démocratique et à la liberté de penser.
Combattre les idées du front national en menaçant les maires de ne plus leur verser de subventions au lieu de les contrer dans le débat politique n’est-il pas un aveu d’impuissance des partis politiques ?

La rigidité de l’exigence des 500 signatures, qui permet de cadrer les élections et de l’alléger en la restreignant aux candidats les plus crédibles, participe au cloisonnement des débats politiques et offre peu de perspectives de changement : on retrouve toujours les mêmes personnalités en tête de gondole.

Les partis politiques semblent incapables de répondre aux attentes des électeurs, outre les difficultés à se rendre attrayants, les guerres internes plombent la construction d’une réflexion cohérente. Le PS en a largement fait les frais, les déclarations de Laurent Fabius ou d’Arnaud Montebourg ont davantage déstructuré la ligne directrice que révolutionné le débat.
En interne comme en externe les partis montrent des difficultés à construire une vision d’avenir, les français tendent à se lasser de cette continuité.

Le "système" pointé du doigt

Voter à droite ou à gauche, beaucoup ne semblent plus voir la différence. C’est un sentiment de privation de choix qui prédomine; non pas un désintérêt mais plutôt une déprime politique.
L’absence de disparités assez franches entre les deux partis dominants conduit à les réduire à un seul véritable système politique, une routine qui satisfait de moins en moins l’électorat.
Cela se ressent à travers la montée des candidats « anti-systèmes » qui recueillent les déçus des promesses non tenues.

Marine Le pen, François Bayrou et Jean-luc Mélanchon, autant de candidats pour autant de différences mais un même réel succès. En effet tous se déclarent en dehors du jeu politique traditionnel, la montée de ces partis minoritaires qui pèsent moins leurs mots animent les débats en mettant sur le tapis des thèmes comme le « made in France ».
Leurs discours plus directs leur assurent une certaine honnêteté auprès des citoyens. Ils peuvent se le permettre car n’ont jamais pris part à l’action gouvernementale ou ne veulent pas en faire partie.
Une personnalité comme Jean-luc Mélanchon ne recherche pas le pouvoir mais à jouer un rôle d’agitateur politique, comme a longtemps été l’ambition du front national avant l’ascension de Marine Le pen qui rêve d’autres projets.

Le président actuel sent bien cet essoufflement du bipartisme en proposant de remettre au goût du jour, comme il l’a fait en 2007, le système de la proportionnelle. Que l’Assemblée nationale soit composée de l’ensemble des tendances politiques et non exclusivement des deux principales.
Toutefois ce débat semble éphémère face à la peur des politiques de devoir se confronter à la réalité de l’électorat et à la présence du FN.


L'impasse des partis politiques

Si la structure de base du parti politique a permis de rassembler les gens autour de mêmes aspirations, celle-ci semble davantage jouer un rôle d’uniformisation de la pensée. La forme rationalisée et hiérarchisée des partis tend à l’homogénéisation des discours de l’ensemble des acteurs.
Le phénomène est d’autant plus visible dans l’action gouvernementale où l’on voit régulièrement des ministres s’excuser d’avoir pensé autrement que comme le leader du parti.

Les débats semblent étouffés en interne et disparaissent en externe. Cette lassitude s’observe d’autant plus dans l’abstention qui gagne toujours plus de terrain. Elle a en effet battu des records aux dernières élections européennes, législatives ou cantonales.  La présidentielle de 2007 a inversé cette tendance avec un taux d’abstention relativement faible, la présence de deux nouveaux candidats plus jeunes et dynamiques et n’ayant jamais prétendu à la fonction présidentielle auparavant ont séduit l’électorat.

Le cloisonnement des débats et les guerres internes ont atteins la faculté des partis à convaincre l’électorat, se généralise le phénomène du vote par défaut ou pour le moins pire des candidats.
Les partis ne semblent plus représenter les idées générales des électeurs qui de plus en plus tournent le dos aux grandes promesses.


Une crise de la représentativité

Ce désamour pour les figures politiques emblématiques est symptomatique d’un décalage entre la structure hiérarchisée et fermée des partis et la culture web de l’info à la demande en continu.
L’heure est à la démocratie représentative et à la participation de tous au débat. Or cette représentativité ne se répercute pas dans le fonctionnement des institutions.

Une étude sociologique menée par Monique Dagnaud sur le comportement de la génération Y met en exergue ce pessimisme ambiant envers les grands partis.
Les formes d’expression de la génération montante se trouvent davantage en dehors des partis dans les actions, manifestations ou simples échanges de conversations sur le net.
Ils n'attendent pas grand-chose de l'univers institutionnel. En revanche, ils croient beaucoup à leur propre capacité de coordination, souvent sans leader comme on l’a vu dans le mouvement des indignés et dans les actions d’anonymous. Le web est très bien adapté pour se montrer réactifs aux enjeux ponctuels et non pas pour les engagements à long terme.

C’est la forme même du parti politique qui devient «ringarde», les citoyens veulent être acteurs de la politique et non plus des spectateurs frustrés.





mardi 7 février 2012

L'homme politico-médiatique, chimère des idées



Les médias, fer de lance du politique

Sur tout support, il est possible de suivre l'évolution de l'info en continue, l'homme politique moderne va multiplier les apparitions publiques, les contacts avec la presse, les interviews ou bien des déclarations pour inonder le flux de l'information. Ainsi en une journée une déclaration politique peut naître le matin, être discutée l'après midi et mourir dans la soirée : un commentaire virulent d'un député suite à une session parlementaire peut créer nombre de remous dans une durée limitée et sans conséquences.

Pour mettre en avant leur action et en faire un succès, les politiques n'hésitent pas à jouer avec l'image renvoyée par les médias. Le président de la république, en visite sur un chantier dans l’Essonne le 2 février dernier, n'a pas hésité à demander à plusieurs personnes extérieures au chantier de l'accueillir pour faire du nombre. Cette recherche de la popularité s'inscrit dans une démarche volontaire de manipulation de l'information.

Quand ce même président réactive son compte facebook à quelques mois de la présidentielle, il est facile d'y voir une volonté d'occuper le terrain médiatique et de toucher l'électorat, en l’occurrence se rendre sympathique et accessible.
En touchant l'électorat, le président influence les intérêts de celui-ci et l'intérêt de l'info, les médias érigent certaines infos plutôt que d'autres.

L'opinion publique maître de la hiérarchie de l'info

Les médias, soumis à l'info à la demande, relayent volontiers les volontés politiques réclamées par les lecteurs eux-mêmes convaincus de leur importance. Cette demande, permise par les innovations technologiques, rend l'info disponible pour tous et par tous, chacun peut  l'apporter ou la discuter.

La dépendance économique des médias à l'égard de l'opinion publique place celle-ci en situation favorable pour dicter la hiérarchie des infos, il est de plus en plus facile pour elle d'imposer ses choix aux rédactions.
En effet, les recommandations "j'aime" des réseaux sociaux facebook et google+ dictent de plus en plus le contenu éditorial des médias. Le journal Le Monde par exemple est obligé de tenir compte de l'appréciation populaire pour mettre en avant certains sujets plutôt que d'autres. 
Cette demande de la "bonne nouvelle" éclipse les sujets fondements comme le chômage, les inégalités sociales ou les urgences climatiques.

Cette évolution tend à abaisser le niveau de l'information et de la réflexion; est mise en avant la recherche de l'info pour l'info, du scoop privé de sens. En témoigne l'obsession de la perte du triple A sans jamais parler des réelles conséquences sur les finances publiques.

La logique éditoriale d'un journal est de se rapprocher de l'attente des lecteurs, les rédactions semblent de plus en plus se plier aux exigences populaires au détriment d'une information de qualité. Elles doivent faire face à un nouveau défi : faire coexister popularité et qualité.

L'offre politique en adéquation avec la demande publique

Les politiques vont alimenter cette demande à leur avantage, en associant leurs actions aux thèmes en vogue ou en les rendant séduisantes.

Les débats publics proposés et relayés par les médias sont l'occasion de monopoliser l'attention sur un thème précis pour en masquer un autre embarrassant. Ces choix arbitraires et électoralistes comme la récurrence des problèmes de sécurité assurent aux politiques un débat favorable.
Parallèlement, l'adaptation de l'offre politique à la demande se manifeste par une volonté de pouvoir répondre à toutes les questions n'importe quand sans véritable recherche de cohérence ou de ligne directrice. 
L'abondance des mesures contradictoires novatrices, souvent irréfléchies et irréalisables sont là aussi une occasion de satisfaire la demande de l'opinion publique.

L'omniprésence politique ressemble d'avantage à un bricolage médiatique qu'à une action de fond, cependant celle-ci peut se retourner contre ses principaux acteurs. Cette sur représentation médiatique engendre un certain nombre de complications, se succèdent lapsus, voix off qui ont dé-crédibilisé certaines figures politiques comme Brice Hortefeux ou Rachida Dati, ou des phrases sorties de leur contexte, la dernière en date trahissant la pensée du ministre de l’intérieur.

La politique du vent normalisée

Cette corrélation entre la modernisation des médias et l'adaptation des politiques pour séduire l'opinion publique provoque un changement sociologique et de surcroît la manière de faire de la politique.
Le phénomène le plus intéressant est sans doute la tendance théâtrale de l'action politique, d'une part par les médias et d'autre part par les acteurs.
L'heure est à la mise en scène, à la dramatisation quotidienne des enjeux, le phénomène de l'hyper présidence en est une des principales sources.

C'est la politique du faire croire qui prédomine, des mesures incessantes sans suite ni cohérence qui devient la base du comportement de l'homme politique moderne et du président actuel, il doit être capable de régler tous les problèmes, c'est une véritable politique du vent dont on ne retiendra pas grand chose à son terme.

L'hyper présidence semble prendre le relais des tribuns dont les représentants se raréfient et dont  les discours perdent de leur efficacité. Toutefois ce phénomène n'a pas disparu, en témoigne le discours de campagne du Bourget de François Hollande qui a fait entrer sa campagne dans une nouvelle dimension qui rappelle que la France reste un pays profondément politisé, dans l'enthousiasme comme dans le marasme.