lundi 29 octobre 2012

Au congrès de Toulouse, le PS fait sa crise des responsabilités



   Ce week-end du 27 Octobre, le parti socialiste se réunissait à Toulouse pour un congrès, l'occasion pour une majorité en difficulté de sonder l’unité affichée pendant la campagne présidentielle qui a mené la victoire du candidat Hollande.
Entre un gouvernement ne faisant pas l’unanimité par ses directions et ses méthodes, une première secrétaire en grâce pour sa sortie, son successeur débarqué par les cadres du parti et une aile gauche remontée, le parti majoritaire à l’assemblée retombe dans ses travers post victorieux.

   Comme en 1983 avec le tournant de la rigueur pris par le gouvernement de François Mitterrand, Mr Hollande se retrouve face à la nécessité de sauver un système auquel il s’opposait pendant sa campagne, mais dans lequel il se trouve pris au piège par la demande de ses électeurs.
L’enthousiasme suscité par Emmanuel Maurel, nouveau chef de file de l’aile gauche du parti, s’évertuant à réveiller les convictions du parti suite aux propos de Jean-Pierre Jouillet qualifiant de « canards boiteux » les entreprises en difficulté, est symptomatique de l’inéquation entre ambition réformatrice socialiste et réalité gouvernementale.
Le passage en quelques mois du discours du Bourget où Mr Hollande clamait que son principal ennemie était la finance, à la défense  d’un traité européen mettant pieds et mains liés les politiques européennes sous le credo libéral avec une légère touche de croissance, sème le doute dans l’horizon socialiste.

Ce n’est personne d’autre que Martine Aubry qui va réussir à dynamiser et mobiliser une assemblée militante partagée. Mais l’ex première secrétaire s’écarte temporairement du paysage politique, pour prendre du recul ou bien se faire désirer pour de nouvelles responsabilités plus en adéquations avec ses attentes.
Le parti socialiste se retrouve donc à regretter la maire de Lille et la pression monte sur les épaules d’un Harlem Désir davantage reconnu pour sa langue de bois que par sa capacité mobilisatrice.
Le nouveau parti majoritaire doit donc faire ce qu’il peut avec ce qu’il a, c’est aussi vrai en matière de réformes. L’ambition du parti socialiste, est, depuis sa première accession au pouvoir en 1981, de mener à bien des réformes progressistes sociétales comme actuellement l’acquisition du droit de vote des étrangers, le mariage homosexuel ou le non cumul des mandats, plutôt que de réformer en profondeur le système économique.

La volonté du PS de se montrer compétent pour pérenniser le système conduit le gouvernement a irrémédiablement tourner le dos a ses valeurs fondatrices. Dés lors le parti socialiste se retrouve dans un dilemme familier, assumer les contraintes de la gouvernance ou se poser en éternel parti d'opposition « du côté de ceux qui n’ont rien » comme le remarquait Mr Maurel.

Lutter contre les inégalités économiques est un risque facteur de dommages collatéraux pour l’ensemble de la société, et un parti en quête de réélection et de pouvoir ne semble pas déterminer à prendre cette direction.
Reste au parti le combat des idées, face à la radicalisation grandissante de la droite, l’ex président d’SOS racisme a fort à faire pour éviter le basculement des votes populaires sous la coupole du FN.
  

mercredi 10 octobre 2012

Difficile dépersonnalisation du pouvoir au pays des rois


   Après les évictions de Papandréou en Grèce ou Berlusconi en Italie, la France fut le 13ème pays européen à changer de chef d’état dans les urnes depuis la crise.
    Les périodes de crise donnent toujours lieu à une remise en question identitaire, une profonde perte de repères touche l’occident et particulièrement la France, tiraillée entre sa représentation traditionnelle de la politique et le consensus auquel elle se conforme peu à peu.Le peuple français a dérogé à son anormalité en ne consacrant pas un leader providentiel plein d’idéaux, mais son anti-héros. L’image renvoyée par le comportement du chef de l’Etat influençant celle de la politique auprès de la population, l’attente est de taille.   Le représentant choisi ne semble pas embrasser le pouvoir mais s’en détacher, François Hollande a ainsi déclaré dans son discours d’investiture « L’état est la propriété de tous les français », une déclaration qui rompt avec le regard porté sur la présidence ces derniers temps.


Un complexe de supériorité et d’anormalité si français

   François hollande peut affirmer être un président normal, il préside un pays qui se refuse obstinément d’être ordinaire. Aux yeux de la presse étrangère, seul un président français peut oser prétendre « aider les africains » comme a pu le faire Sarkozy,  ou bien déclarer que « la France ne saurait être la France sans la grandeur. » comme De Gaulle en d’autres temps.
La France ne représente pourtant que 1% de la population mondiale sur 1% des terres émergées, mais elle persiste à se voir comme le phare de l’humanité malgré sa crise identitaire. A l’instar de la Chine, la prétention de sa culture n’a pas d’égal, ce complexe de supériorité est profondément ancré dans l’histoire française depuis la révolution française.

   Depuis la 5ème république, l’image du président élu correspondait à cette représentation inconsciente du leader à la hauteur de « l’exception française.»
La France a beau posséder une bureaucratie complexe comme la plupart des puissances européennes, son représentant élu est fortement rattaché à l’exercice du pouvoir, il le représente et l’incarne.
   Les valeurs dont la France se réclame originaire sont désormais communes à la majorité des démocraties représentatives et ses lumières semblent éteintes au regard de sa politique en matière d’immigration où l’état de ses prisons.
   Même si le reste du monde attend de la France davantage d’humilité et de modernisme, son influence n’est pas pour autant neutre comme l’intervention en Libye ou le relatif rayonnement de la culture française en témoignent.

   Le changement de ton du nouveau président dont la recherche du compromis est privilégiée à celle de la mesure prétendument révolutionnaire n’efface pas pour autant les vieux réflexes français. Ainsi celui-ci n’a pas manqué de rappeler que la France était à l‘origine de la déclaration universelle des droits de l’Homme dans son discours d’investiture et n’était, en un sens, pas exactement comme les autres. Ce sentiment de supériorité paraît davantage masquée que balayée.
  
 L’attente d’un leader providentiel

   La France est hantée par le mythe de l’émergence d’une personnalité providentielle qui sauvera la nation du déclin, un article du Daily Telegraph dessine bien les contours de cette norme dans l’histoire politique française. Le quotidien s’alarme de voir un président si éloigné de la figure traditionnelle du pays, la vie politique française étant menée au rythme des reprises en main par des personnages charismatiques ; que ce soit Napoléon après le désordre post révolutionnaire ou De Gaulle après la défaite de 1940.
   Le déclin de l’occident et la crise du système économique accompagne une déstabilisation des repères politiques et une perte de confiance dans l’avenir. Ce phénomène engendre une demande de leaders charismatiques capables de prendre des décisions rapides et radicales alors que notre système empêche structurellement un tel processus.

   La France possède un régime politique unique qualifié de semi-présidentiel, c’est à dire un régime parlementaire muni d’un chef d’Etat aux pouvoirs étendus. Il n’y a qu’en France qu’on réserve autant de privilèges à un chef d’Etat élu, non pas financiers, mais davantage institutionnels. Aux Etats-Unis, imaginer qu’un ancien président puisse siéger à la plus haute cour de justice du pays paraît invraisemblable, voir Georges Bush et Bill Clinton juger de la bonne application de la constitution fait sourire. Pourtant en France, depuis le cadeau du Général De Gaulle au président Coty pour lui avoir laissé le pouvoir en 1958, chaque ancien président siège à vie au Conseil Constitutionnel, balayant toute impartialité.

   La récente campagne présidentielle a été marquée par l’exaltation du chef d’état dans le rôle du capitaine de navire faite par Sarkozy, image reconduite sur son affiche officielle. On pouvait presque penser que le monde s’arrêterait de tourner sans le président sortant, qu’il était le seul remède face à la crise mondiale, qu’importent les agents de l’administration et le reste du monde.
   Pourtant, le chef d’Etat qui semble le mieux correspondre à ce fantasme n’est autre que Vladimir Poutine, figure virile autant craint qu’admiré capable de porter la responsabilité d’un pays dont le peuple s’est déchargé. Cependant, l’émergence d’un tel individu en France est illusoire tant le pouvoir est contrôlé.

   Ce fut la principale inquiétude des français durant la campagne de François Hollande, sa capacité à assumer ses responsabilités, doutant même de son courage de participer à un débat télévisé.

Le choix du compromis, la méthode Hollande

   C’est pourtant le président qui se proclamait normal qui a été élu. Si son ascension a été favorisé par le bilan et les dérives de l’ère Sarkozy et le profond rejet de sa politique, le concept de normalité a séduit.
   Ce qui est apparu au premier abord comme une bourde de campagne s’est avéré un argument de poids, la normalité au sens de sobriété et de pragmatisme a rassuré une partie de l’électorat désorienté par l’agitation de son prédécesseur. La recherche de stabilité et de cohérence en temps de crise a fait pencher la balance du côté d’Hollande auprès des déçus des folles promesses.
   En mettant l’accent sur la nécessité d’une hauteur de vue de la présidence durant son débat face à Nicolas Sarkozy, celui-ci a dérogé aux campagnes précédentes où l’on votait pour une dynamique et un projet, c’est un vote de réconciliation avec la politique qui a consacré sa victoire.

   Raillé de tous au départ, il a, sans y toucher, éliminé tous ces adversaires pour accéder au pouvoir. Son ascension reflète sa vision de la politique, la recherche du compromis, de l’arrangement pour mettre tout le monde d’accord sur une évidence.
Son début de quinquennat suit cette logique, pas de cadeaux sociaux Mitterrandiens, un gouvernement sobre tentant d’afficher la discipline budgétaire comme un bien fait, bien fait dicté par la tutelle des marchés financiers sur la zone euro qui oblige le président, s’il veut sauvegarder temporairement la monnaie commune, à un compromis qui ne satisfait ni son électorat ni une partie de ses députés.

   Les fabrications de rêves politiques ont lassé un électorat de plus en plus désabusé, où le décalage entre discours et action prend tout son sens en période d’urgence. Le fameux « travailler plus pour gagner plus » quand le chômage gagne chaque mois du terrain ne fait plus rêver.
Au vue des excès et des scandales du pouvoir, un détachement de la personnalité du pouvoir fut bien accueilli, la question est de savoir si cette normalité n’est pas un leurre d’un retour à la tradition pré-sarkozienne ou bien une anomalie sous la 5ème république.
La généralisation d’intervention télévisée, même en se déplaçant sur un studio, risque de se payer cher au près de l’opinion.

Entre désenchantement politique et conformisme

   Le peuple n’est ainsi pas bercé d’illusions et de rêves, il tiendra à l’œil le nouveau président qui s’emploie à donner sens à son concept de normalité comme le prouve sa venue sur un plateau télé ou sa photographie officielle faite par Raymond Depardon. La campagne agressive et grave de 2012 contraste avec celle de 2007 où un réel élan autour du travail accompagnait l’élection de Sarkozy, les vieilles recettes politiques semblent se périmer en temps de crise, place à l’éclipse de l’enchantement politique.

   L’enthousiasme mesuré qui a accompagné l’élection se retrouve dans la Une de « Libération » journal de Gauche se contentant de commenter la victoire d’Hollande de « Normal ! ». Si les français se sont  plutôt réjouis de la fin d’un gouvernement marqué par les scandales, la gauche n’a été consacré que par son candidat le plus éloigné de la ligne traditionnelle socialiste, loin de l’aile Gauche du parti.
  
   La vie politique française est victime de son paradoxe, prétendre concilier chef d’état fort et démocratie représentative tend inexorablement à pencher vers l’un de deux côtés.
   Le discours d’Hollande semble se conformer au modèle social démocrate d’Europe du Nord qui tend à se généraliser à l’ensemble du continent ; ainsi une gauche ayant cédée à l’économie de marché s’oppose à une droite austère. Une politique de synthèse éloignée des idéaux.

   Face aux effrayants chiffres du chômage et l’absence de perspectives de renouveau économique, le président attaché au compromis chute dans les sondages. Les critiques pleuvent de la part d’une droite cynique et d’une gauche déçue. La tendance à la radicalisation des discours risque de mettre en péril la volonté affichée au lendemain de la présidentielle.
   L’attitude endolorie du gouvernement, faute de créer une dynamique, risque de réveiller le caractère absolu de l’opinion publique et compromettre l’autorité présidentielle, juste au moment où Mr Hollande en aurait le plus besoin face aux drastiques mesures qui s'annoncent. Plus que jamais, la dépersonnalisation du pouvoir s’avère difficile.