mercredi 29 février 2012

La déprime politique du monopole PS-UMP


En ces temps de campagne présidentielle, la bénédiction des maires devient une denrée rare pour certains candidats, nombreux sont ceux qui ont du renoncer à leur conquête. Après les désistements de Christine Boutin, Hervé Morin ou Frédéric Nihous, Philippe Poutou, le représentant du NPA, lance un appel aux maires hésitants d’oser faire leur choix.
Le cadre institutionnel actuel est l’exclusivité des deux grands mouvements politiques du pays, or de plus en plus d’électeurs ne semblent plus se reconnaître dans cette logique PS-UMP.

La main mise des partis sur l'ordonnancement politique

Il est difficile de faire entendre sa voix dans les médias, mais son écho est quasiment inexistant sur le plan institutionnel.
A l’Assemblée nationale, seules quatre formations politiques sont représentées, et parmi elles seuls l’UMP et le PS dépassent les 30 sièges. Est exigé pour saisir le Conseil constitutionnel 60 députés ou 60 sénateurs, autant dire qu’il ne reste que deux formations politiques actives dans l’hémicycle.
Avec le scrutin uninominal majoritaire à deux tours utilisé pour l’élection des députés, le président qui s’assure la majorité à l’Assemblée n’a quasiment plus de contre pouvoir.

Ce bipartisme est censé assurer un équilibre entre majorité et opposition, or ces grands partis ont le monopole du débat politique. Leur puissance médiatique, leur représentation institutionnelle et leur poids idéologique sur les citoyens sont garants de leur légitimité à gouverner. 

Dans la course à l’Élysée, les grands partis possèdent un avantage de taille face aux petits candidats. Ils disposent de moyens financiers et humains suffisant pour soutenir le rythme de la campagne et être sur tous les fronts, cette structure est indispensable.
Ces machines électorales fondent sur les petits candidats, qui faute de pouvoir tenir la distance, se rallient aux partis favoris comme Hervé Morin l'a fait dernièrement en se rangeant derrière Nicolas Sarkozy.
Pour concrétiser leur domination, les partis majoritaires n’hésitent pas à menacer les maires pour s’assurer leur consentement.

Un aveu d’impuissance

La course aux parrainages est le témoin de pressions des favoris sur les maires pour sortir de la course les plus petits candidats en les menaçant notamment de ne plus leur donner de subventions. Olivier Besancenot tempère cette pratique en affirmant qu’aucun maire n’ayant donné sa signature à la LCR n’a été privé des dites subventions lors de la campagne de 2007.
Si vouloir faire sortir Marine Le pen de la course ne serait que plus bénéfique d’un point de vue moral, cette pratique pose un souci au niveau démocratique et à la liberté de penser.
Combattre les idées du front national en menaçant les maires de ne plus leur verser de subventions au lieu de les contrer dans le débat politique n’est-il pas un aveu d’impuissance des partis politiques ?

La rigidité de l’exigence des 500 signatures, qui permet de cadrer les élections et de l’alléger en la restreignant aux candidats les plus crédibles, participe au cloisonnement des débats politiques et offre peu de perspectives de changement : on retrouve toujours les mêmes personnalités en tête de gondole.

Les partis politiques semblent incapables de répondre aux attentes des électeurs, outre les difficultés à se rendre attrayants, les guerres internes plombent la construction d’une réflexion cohérente. Le PS en a largement fait les frais, les déclarations de Laurent Fabius ou d’Arnaud Montebourg ont davantage déstructuré la ligne directrice que révolutionné le débat.
En interne comme en externe les partis montrent des difficultés à construire une vision d’avenir, les français tendent à se lasser de cette continuité.

Le "système" pointé du doigt

Voter à droite ou à gauche, beaucoup ne semblent plus voir la différence. C’est un sentiment de privation de choix qui prédomine; non pas un désintérêt mais plutôt une déprime politique.
L’absence de disparités assez franches entre les deux partis dominants conduit à les réduire à un seul véritable système politique, une routine qui satisfait de moins en moins l’électorat.
Cela se ressent à travers la montée des candidats « anti-systèmes » qui recueillent les déçus des promesses non tenues.

Marine Le pen, François Bayrou et Jean-luc Mélanchon, autant de candidats pour autant de différences mais un même réel succès. En effet tous se déclarent en dehors du jeu politique traditionnel, la montée de ces partis minoritaires qui pèsent moins leurs mots animent les débats en mettant sur le tapis des thèmes comme le « made in France ».
Leurs discours plus directs leur assurent une certaine honnêteté auprès des citoyens. Ils peuvent se le permettre car n’ont jamais pris part à l’action gouvernementale ou ne veulent pas en faire partie.
Une personnalité comme Jean-luc Mélanchon ne recherche pas le pouvoir mais à jouer un rôle d’agitateur politique, comme a longtemps été l’ambition du front national avant l’ascension de Marine Le pen qui rêve d’autres projets.

Le président actuel sent bien cet essoufflement du bipartisme en proposant de remettre au goût du jour, comme il l’a fait en 2007, le système de la proportionnelle. Que l’Assemblée nationale soit composée de l’ensemble des tendances politiques et non exclusivement des deux principales.
Toutefois ce débat semble éphémère face à la peur des politiques de devoir se confronter à la réalité de l’électorat et à la présence du FN.


L'impasse des partis politiques

Si la structure de base du parti politique a permis de rassembler les gens autour de mêmes aspirations, celle-ci semble davantage jouer un rôle d’uniformisation de la pensée. La forme rationalisée et hiérarchisée des partis tend à l’homogénéisation des discours de l’ensemble des acteurs.
Le phénomène est d’autant plus visible dans l’action gouvernementale où l’on voit régulièrement des ministres s’excuser d’avoir pensé autrement que comme le leader du parti.

Les débats semblent étouffés en interne et disparaissent en externe. Cette lassitude s’observe d’autant plus dans l’abstention qui gagne toujours plus de terrain. Elle a en effet battu des records aux dernières élections européennes, législatives ou cantonales.  La présidentielle de 2007 a inversé cette tendance avec un taux d’abstention relativement faible, la présence de deux nouveaux candidats plus jeunes et dynamiques et n’ayant jamais prétendu à la fonction présidentielle auparavant ont séduit l’électorat.

Le cloisonnement des débats et les guerres internes ont atteins la faculté des partis à convaincre l’électorat, se généralise le phénomène du vote par défaut ou pour le moins pire des candidats.
Les partis ne semblent plus représenter les idées générales des électeurs qui de plus en plus tournent le dos aux grandes promesses.


Une crise de la représentativité

Ce désamour pour les figures politiques emblématiques est symptomatique d’un décalage entre la structure hiérarchisée et fermée des partis et la culture web de l’info à la demande en continu.
L’heure est à la démocratie représentative et à la participation de tous au débat. Or cette représentativité ne se répercute pas dans le fonctionnement des institutions.

Une étude sociologique menée par Monique Dagnaud sur le comportement de la génération Y met en exergue ce pessimisme ambiant envers les grands partis.
Les formes d’expression de la génération montante se trouvent davantage en dehors des partis dans les actions, manifestations ou simples échanges de conversations sur le net.
Ils n'attendent pas grand-chose de l'univers institutionnel. En revanche, ils croient beaucoup à leur propre capacité de coordination, souvent sans leader comme on l’a vu dans le mouvement des indignés et dans les actions d’anonymous. Le web est très bien adapté pour se montrer réactifs aux enjeux ponctuels et non pas pour les engagements à long terme.

C’est la forme même du parti politique qui devient «ringarde», les citoyens veulent être acteurs de la politique et non plus des spectateurs frustrés.





mardi 7 février 2012

L'homme politico-médiatique, chimère des idées



Les médias, fer de lance du politique

Sur tout support, il est possible de suivre l'évolution de l'info en continue, l'homme politique moderne va multiplier les apparitions publiques, les contacts avec la presse, les interviews ou bien des déclarations pour inonder le flux de l'information. Ainsi en une journée une déclaration politique peut naître le matin, être discutée l'après midi et mourir dans la soirée : un commentaire virulent d'un député suite à une session parlementaire peut créer nombre de remous dans une durée limitée et sans conséquences.

Pour mettre en avant leur action et en faire un succès, les politiques n'hésitent pas à jouer avec l'image renvoyée par les médias. Le président de la république, en visite sur un chantier dans l’Essonne le 2 février dernier, n'a pas hésité à demander à plusieurs personnes extérieures au chantier de l'accueillir pour faire du nombre. Cette recherche de la popularité s'inscrit dans une démarche volontaire de manipulation de l'information.

Quand ce même président réactive son compte facebook à quelques mois de la présidentielle, il est facile d'y voir une volonté d'occuper le terrain médiatique et de toucher l'électorat, en l’occurrence se rendre sympathique et accessible.
En touchant l'électorat, le président influence les intérêts de celui-ci et l'intérêt de l'info, les médias érigent certaines infos plutôt que d'autres.

L'opinion publique maître de la hiérarchie de l'info

Les médias, soumis à l'info à la demande, relayent volontiers les volontés politiques réclamées par les lecteurs eux-mêmes convaincus de leur importance. Cette demande, permise par les innovations technologiques, rend l'info disponible pour tous et par tous, chacun peut  l'apporter ou la discuter.

La dépendance économique des médias à l'égard de l'opinion publique place celle-ci en situation favorable pour dicter la hiérarchie des infos, il est de plus en plus facile pour elle d'imposer ses choix aux rédactions.
En effet, les recommandations "j'aime" des réseaux sociaux facebook et google+ dictent de plus en plus le contenu éditorial des médias. Le journal Le Monde par exemple est obligé de tenir compte de l'appréciation populaire pour mettre en avant certains sujets plutôt que d'autres. 
Cette demande de la "bonne nouvelle" éclipse les sujets fondements comme le chômage, les inégalités sociales ou les urgences climatiques.

Cette évolution tend à abaisser le niveau de l'information et de la réflexion; est mise en avant la recherche de l'info pour l'info, du scoop privé de sens. En témoigne l'obsession de la perte du triple A sans jamais parler des réelles conséquences sur les finances publiques.

La logique éditoriale d'un journal est de se rapprocher de l'attente des lecteurs, les rédactions semblent de plus en plus se plier aux exigences populaires au détriment d'une information de qualité. Elles doivent faire face à un nouveau défi : faire coexister popularité et qualité.

L'offre politique en adéquation avec la demande publique

Les politiques vont alimenter cette demande à leur avantage, en associant leurs actions aux thèmes en vogue ou en les rendant séduisantes.

Les débats publics proposés et relayés par les médias sont l'occasion de monopoliser l'attention sur un thème précis pour en masquer un autre embarrassant. Ces choix arbitraires et électoralistes comme la récurrence des problèmes de sécurité assurent aux politiques un débat favorable.
Parallèlement, l'adaptation de l'offre politique à la demande se manifeste par une volonté de pouvoir répondre à toutes les questions n'importe quand sans véritable recherche de cohérence ou de ligne directrice. 
L'abondance des mesures contradictoires novatrices, souvent irréfléchies et irréalisables sont là aussi une occasion de satisfaire la demande de l'opinion publique.

L'omniprésence politique ressemble d'avantage à un bricolage médiatique qu'à une action de fond, cependant celle-ci peut se retourner contre ses principaux acteurs. Cette sur représentation médiatique engendre un certain nombre de complications, se succèdent lapsus, voix off qui ont dé-crédibilisé certaines figures politiques comme Brice Hortefeux ou Rachida Dati, ou des phrases sorties de leur contexte, la dernière en date trahissant la pensée du ministre de l’intérieur.

La politique du vent normalisée

Cette corrélation entre la modernisation des médias et l'adaptation des politiques pour séduire l'opinion publique provoque un changement sociologique et de surcroît la manière de faire de la politique.
Le phénomène le plus intéressant est sans doute la tendance théâtrale de l'action politique, d'une part par les médias et d'autre part par les acteurs.
L'heure est à la mise en scène, à la dramatisation quotidienne des enjeux, le phénomène de l'hyper présidence en est une des principales sources.

C'est la politique du faire croire qui prédomine, des mesures incessantes sans suite ni cohérence qui devient la base du comportement de l'homme politique moderne et du président actuel, il doit être capable de régler tous les problèmes, c'est une véritable politique du vent dont on ne retiendra pas grand chose à son terme.

L'hyper présidence semble prendre le relais des tribuns dont les représentants se raréfient et dont  les discours perdent de leur efficacité. Toutefois ce phénomène n'a pas disparu, en témoigne le discours de campagne du Bourget de François Hollande qui a fait entrer sa campagne dans une nouvelle dimension qui rappelle que la France reste un pays profondément politisé, dans l'enthousiasme comme dans le marasme.